Il fait sa première communion en octobre 1887 puis devient élève du petit séminaire de Blois. Ordonné prêtre du diocèse en 1899, Daniel est nommé professeur au collège de Pontlevoy. « Vous êtes un éducateur né, votre place est parmi les enfants », lui annonce son évêque. Bientôt, il lui faut un champ d’activité plus large. Il demande alors à rentrer dans la congrégation du Saint-Esprit (fondée en 1703 par Claude Poullart des Places), consacrée principalement à la mission auprès du monde africain.
Sa foi est contagieuse, sa parole entraîne l’adhésion de ceux qui l’entendent
Après une année de noviciat à Orly (1902-1903), il prononce ses vœux et est envoyé à Saint-Louis du Sénégal en 1903. Vicaire, il y déploie tous ses talents près des œuvres de jeunesses de la ville. En 1904, après les lois Combes sur la laïcité, les religieux de Saint-Louis sont contraints de laisser leur place à des laïcs. Lui redouble d’activité. Il fonde un cercle militaire, un patronage, une fanfare, une chorale… et n’oublie pas les adultes. Pour eux, il prépare des conférences, bien vite très suivies. Dans son désir de communiquer, il crée un bulletin paroissial, premier d’une belle série. Sa foi est contagieuse, sa parole entraîne l’adhésion de ceux qui l’entendent. Dans une communauté chrétienne jusqu’alors divisée par les appartenances diverses, il fait l’unité.
En 1911, suite à un accident, il doit revenir définitivement en France. Son évêque de Dakar, Mgr Jalabert lui confie la construction d’une cathédrale dite du « Souvenir africain » pour cette ville en pleine croissance. Elle sera érigée en souvenir de tous ceux qui ont donné leur vie sur les terres d’Afrique. Dès la fin 1911, il quête pour la réalisation de ce grand édifice. La pose de la première pierre aura lieu le 11 novembre 1923.
Quand éclate la Première Guerre mondiale le 2 août 1914, le Père Brottier, est réformé en raison de ses maux de tête. Avec un de ses confrères, il décide de s’engager comme aumônier. Un corps d’aumôniers volontaires est créé sur ses instances. Il rejoint la 26ème division d’infanterie dès le 26 août et ne la quittera plus durant ces années de guerre. Il sera présent sur tous les champs de bataille : les Flandres, la Somme, Verdun… Toujours en première ligne sur le front, il montre héroïsme, sang-froid et surtout une présence, une disponibilité à tous. Par son dévouement sans faille il apporte le meilleur réconfort moral dans ces lieux d’extrême violence. Toujours en première ligne, il n’est jamais blessé. Il attribuera ce miracle à sainte Thérèse de Lisieux. Dès 1917, il pense à l’après-guerre et convainc le président du Conseil Georges Clémenceau de fonder l’UNC (l'Union Nationale des Combattants) pour reconstruire la France. Pour programme, il lui donne une devise : « Tous unis comme au front. » Il est promu officier de la Légion d’honneur et se voit attribuer la Croix de guerre.
Démobilisé en 1919, il comprend près de Mgr Jalabert qu’il a bénéficié d’une protection spéciale alors qu’il était, durant toute tout le conflit, exposé aux violences et à la mort. Thérèse a veillé sur lui ! Il saura lui exprimer sa reconnaissance. C’est maintenant le moment de reprendre le travail entrepris en 1911. Il se remet à l’œuvre pour la construction de la cathédrale du souvenir africain et, désormais, les tirailleurs sénégalais associés à nos combats sont inclus dans ce mémorial.
Le 21 novembre 1923, sept mois après la béatification de Thérèse, le Père Brottier arrive rue La Fontaine à Paris. Il vient d’être nommé directeur des Orphelins Apprentis d’Auteuil, fondation créée en 1866 par l’abbé Louis Roussel pour s’occuper de l’éducation des enfants orphelins. Le dernier responsable, ne sachant plus comment faire face aux dettes qui se sont accumulées, a donné sa démission à l’archevêque de Paris, le cardinal Louis Dubois. Celui-ci s’est tourné vers la congrégation du Saint Esprit, car dans ses statuts figure cette note : « Elle accepte volontiers des tâches pour lesquelles l’Église trouve difficilement des ouvriers. » Le Père Brottier est l’homme de la situation. Excellent éducateur, bon gestionnaire, il a aussi un talent indéniable pour encourager la générosité des bienfaiteurs.
Le Père Brottier, secondé ou précédé par Thérèse, commence ses folles entreprises. À peine débarqué, son premier courrier sera pour le carmel de Lisieux : « Voulez-vous commencer une neuvaine auprès de votre petite Bienheureuse, pour savoir si elle accepte qu’on lui construise un sanctuaire ? » Thérèse s’associe à ce projet et le « oui » de l’Église embarque tout le monde dans l’aventure. Début décembre, une première souscription est lancée, l’argent arrive en abondance. Les travaux commencés en juillet 1924 seront entièrement achevés pour la consécration du sanctuaire d’Auteuil par le cardinal de Paris Jean Verdier le 5 octobre en 1930. Entre-temps, Thérèse a été canonisée le 17 mai 1925. Installée au cœur de l’œuvre des Orphelins Apprentis d’Auteuil, la jeune sainte veillera sur les enfants comme elle l’a si bien fait pour leur père durant la guerre. Avec elle ils pourront, en toute confiance, avancer dans le grand combat de la vie.
Lorsque le Père Brottier arrive à Auteuil, il ne reste plus que 170 jeunes. Ému par toutes les misères d’enfants qui frappent à sa porte, il ne cesse d’élargir ses murs et de créer de nouveaux sites. En 1936, il accueille 1400 jeunes et a de nombreux projets pour en aider plus encore. Surtout, il a un grand projet pour chacun, redonner dignité à ces enfants en souffrance et une chance pour trouver leur place dans la société. Pour eux, il cherche le meilleur, sait s’entourer de collaborateurs compétents, ne craint pas d’innover en matière pédagogique, crée les Foyers à la campagne, ouvre de nouvelles maisons… Autour de lui, se crée un vaste réseau de bienfaiteurs auquel il sait faire appel. Ils sauront répondre généreusement à toutes ses sollicitations (incitations aux dons, concerts, etc.) ; il offrira lui-même son temps pour répondre à chacun, ne serait-ce qu’un « merci ». Que d’heures dans la nuit pour écrire son courrier !
Le 2 février 1936, le temps est venu de consacrer sa chère cathédrale de Dakar, mais le Père Brottier est un homme épuisé, trop fatigué pour accompagner le cardinal de Paris. Il vivra ce jour sa dernière célébration avec ses orphelins. Le lendemain, il se couche pour ne plus se relever. Le Seigneur vient chercher son bon serviteur, le 28 février, à l’hôpital Saint-Joseph. L’œuvre qu’il a consolidée peut continuer sans lui car il lui a donné des assises solides. En arrivant à Auteuil, il avait confié à son compagnon, le Père Pichon : « Si nous voulons réussir à Auteuil, il nous faut nous consacrer à ces enfants entièrement et sans arrière-pensée. Je me suis offert à Dieu pour les servir jusqu’à la mort. Je ne désire pas d’autre poste : je veux mourir là, à leur service. » Il recevra la palme des bienheureux le 25 novembre 1984. Associé à Thérèse, il continue son œuvre. En 2016, les Apprentis d’Auteuil, qui fêtent leur 150e anniversaire, sont présents dans 50 pays, au sein de 200 établissements qui accueillent plus de 30 000 jeunes et famillles.