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Redécouvrons le passé:
1996 /Monseigneur Claverie et les martyrs d’Algérie : des vies données par amour

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BULKO

1996

Monseigneur Claverie et les martyrs d’Algérie : des vies données par amour

©Association des Ecrits des 7 de l'Atlas
©Association des Ecrits des 7 de l'Atlas
Le pape François a annoncé le 27 janvier 2018 sa décision de béatifier 19 religieux et religieuses de l’Église d’Algérie reconnus martyrs (dont Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran), victimes de la violence qui a meurtri ce pays durant les années 1990, faisant entre 150 000 et 200 000 morts. Les plus connus d’entre eux sont les sept moines trappistes de Tibhirine, dont l’enlèvement et la mort violente en mai 1996 avaient ému l’opinion publique internationale.
Jean-Jacques Pérennès, op Proche de Mgr Claverie et président de la commission historique pour la béatification des martyrs de l’Église d’Algérie
Jean-Jacques Pérennès, opProche de Mgr Claverie et président de la commission historique pour la béatification des martyrs de l’Église d’Algérie
Une amitié possible. Un communiqué des évêques d’Algérie est venu préciser le sens que l’Église d’Algérie donne à cette béatification : « Devant le danger d’une mort qui était omniprésent dans le pays, ils ont fait le choix, au risque de leur vie, de vivre jusqu’au bout les liens de fraternité et d’amitié qu’ils avaient tissés avec leurs frères et sœurs algériens par amour. » Comme l’a souligné Anne-Bénédicte Hoffner dans le journal La Croix (27 janvier 2018), ce ne sont « pas des martyrs contre mais avec les Algériens ». Il serait dramatique, en effet, que la célébration d’une béatification ait pour résultat d’accroître l’aversion pour le monde musulman, déjà largement stigmatisé. De ce point de vue, l’Église d’Algérie offre un éclairage original, la possibilité d’une amitié, qui mérite d’être souligné.

« Une Église pour un peuple musulman ».
Le christianisme, très implanté en Afrique du Nord au temps de saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone et docteur de l’Église, a totalement disparu sous l’impact conjoint de la domination vandale (442-533), des luttes intestines (la querelle donatiste, en particulier) et de l’arrivée de l’Islam vers 650. Il n’est revenu qu’avec la colonisation française en 1830, mais n’a concerné que des colons européens, les « pieds-noirs », qui ont par exemple favorisé la dévotion à Notre-Dame d’Afrique. Du même coup, il est apparu comme « la religion du colonisateur ». La violence de la guerre d’Algérie, qui a abouti à l’Indépendance politique de pays, entraîne le départ en 1962 de la quasi-totalité des Européens, environ un million de personnes, pour la plupart de confession chrétienne. À nouveau, le christianisme aurait pu disparaître. Ce ne fut pas le cas grâce à la hauteur de vue, au courage et à la généreuse intuition du cardinal Léon-Etienne Duval, archevêque d’Alger de 1954 à 1988, qui prit la nationalité algérienne et fit le choix de mettre son Église au service d’un pays nouvellement indépendant qui avait beaucoup à construire ou à reconstruire : écoles, dispensaires, œuvres sociales sont les domaines dans lesquels vont s’investir prêtres, religieux et laïcs chrétiens. « Les conditions de la pérennité de l’Église se trouvent en dehors de ses limites visibles. Dans la mesure où l’amour fraternel sera vivant et agissant, partout cet amour sera la garantie de la vie de l’Église », écrit Mgr Duval dans une lettre pastorale de 1980. Ce projet d’une Église algérienne, au service du peuple algérien, a été le moteur de son activité pendant une vingtaine d’années avec un réel enthousiasme. C’est dans ce climat que Mgr Henri Teissier, successeur du cardinal Duval comme archevêque d’Alger, a pu parler d’« une Église pour un peuple musulman », car elle n’est pas là d’abord pour convertir – c’est socialement impossible, bien que le salut en Jésus soit ouvert à tous les hommes –, mais pour servir et témoigner de l’amour gratuit du Christ pour tout homme, y compris les musulmans[1].


La naissance d’un fondamentalisme religieux.
Le début des années 1980 voit naître un nouveau climat : l’Algérie s’est déjà dotée de quelques structures et a moins besoin d’aide extérieure pour former ses cadres ; un nationalisme assez ombrageux refait surface, surtout dans le cadre de la politique d’arabisation du pays ; et l’on voit déjà apparaître – sans s’en rendre compte sur le moment – les signes avant-coureurs d’un fondamentalisme religieux pour lequel ces religieux chrétiens n’ont rien à faire dans ce pays qu’ils considèrent comme une « terre d’islam ».

Une Église solidaire dans l’épreuve.
Les mouvements islamistes comme le FIS (Front islamique du salut), qui ont réussi à émerger au grand jour lorsque le régime du parti unique fut dissous en 1989 par une révision constitutionnelle qui instaure le multipartisme, vont tenter de prendre le pouvoir au début des années 1990. Après une grande victoire aux élections locales en 1991, la victoire aux législatives leur échappe de peu en janvier 1992 lorsque le régime algérien, aux mains des militaires, décide d’interrompre le processus électoral. L’Algérie plonge alors dans la spirale infernale de la violence : les islamistes s’attaquent d’abord aux symboles de l’État (policiers, juges), puis aux symboles d’une société ouverte, plurielle (journalistes, artistes, femmes engagées dans la vie sociale) et enfin aux étrangers. C’est alors que se produit ce que personne n’avait osé imaginer : des agressions violentes de religieux et religieuses catholiques qui depuis des décennies servaient la population avec un grand désintéressement. L’assassinat de Sœur Paul-Hélène et du Frère Henri Vergès dans leur petite bibliothèque de la Casbah le 8 mai 1992 est un énorme choc, clairement revendiqué par le GIA (Groupement islamique armé) qui dit vouloir « liquider des juifs, des chrétiens et des mécréants de la terre musulmane d’Algérie ». Ce n’est hélas que le début d’un martyrologe qui va compter dix-neuf noms, dont des religieuses très modestes, des hommes totalement dédiés à la prière et au service du prochain – les moines trappistes de Tibhirine (enlevés dans leur monastère près de Médéa puis assassinés le 21 mai 1996) – et, finalement, Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran, assassiné le 1er août 1996. Cet homme, il est vrai, avait pris fait et cause publiquement pour une Algérie plurielle, ouverte, fraternelle, en solidarité explicite avec la majorité des Algériens qui, eux aussi, refusaient l’enfermement de leur pays dans un islam politique intolérant.


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En Algérie, au pied de la Croix.
Ce qui vaut à ces dix-neuf victimes (16 Françaises, deux Espagnoles et un Belge) d’être béatifiées, ce n’est pas d’abord leur mort, même si elle fut violente, mais leur choix libre de rester dans ce pays, aux heures difficiles, par amour du Christ, de l’Église et du peuple algérien à qui ils avaient lié leur destin. Après l’assassinat de religieuses espagnoles à l’automne 1994, deux femmes très modestes, un journaliste algérien, Saïd Mekbel, écrivit : « Esther et Caridad étaient notre famille. Et comme de nombreuses familles en Algérie, nous sommes cruellement touchés. Ce meurtre est un signe de refus de la fraternité dans la différence des cultures et des religions. Il rejoint celui de tant de victimes innocentes de ce peuple ; ce peuple qui a tellement contribué à édifier la personnalité de Caridad et d’Esther… Combien nous aimerions que ces cœurs aveuglés entendent les mots du père d’Esther : « Je pardonne aux assassins de ma fille, et je remercie le peuple algérien de lui avoir permis d’être ce qu’elle a été. » »[2] Quelques semaines avant d’être tué à son tour, Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran, écrivit des lignes qui sonnent comme un testament spirituel : « Depuis le début du drame algérien, on m’a souvent demandé : « Que faites-vous là-bas ? Pourquoi restez-vous ? Secouez donc la poussière de vos sandales ! Rentrez chez vous ! Chez vous… Où sommes-nous chez nous ? Nous sommes là-bas à cause de ce Messie crucifié. À cause de rien d’autre et de personne d’autre ! Nous n’avons aucun intérêt à sauver, aucune influence à maintenir. Nous ne sommes pas poussés par je ne sais quelle perversion masochiste. Nous n’avons aucun pouvoir, mais nous sommes là comme au chevet d’un ami, d’un frère malade, en silence, en lui serrant la main, en lui épongeant le front. À cause de Jésus parce que c’est lui qui souffre là, dans cette violence qui n’épargne personne, crucifié à nouveau dans la chair de milliers d’innocents. Comme Marie, sa mère et saint Jean, nous sommes là au pied de la Croix où Jésus meurt abandonné des siens et raillé par la foule. N’est-il pas essentiel pour le chrétien d’être présent dans les lieux de déréliction et d’abandon ? » C’est ce choix libre de rester par amour qui justifie une béatification, bien plus que le fait de mourir de manière violente.


La fécondité de ces vies données.
L’Église d’Algérie a été terriblement ébranlée par ces épreuves. Un tiers de ses membres n’a pas pu tenir, pour des raisons de stress et de fatigue nerveuse. Mais le lien de l’Église avec le pays a été renforcé par la solidarité vécue au cours de ces années noires. D’une certaine manière, en payant le prix de leur vie, les martyrs de l’Église d’Algérie ont rendu plus crédible et authentifié le propos de solidarité de cette Église avec un peuple qui est majoritairement musulman et qui entend le rester. La société algérienne s’ouvrant un peu à la faveur de la mondialisation, un certain nombre d’Algériens ont souhaité le baptême, surtout sous l’influence de mouvements évangéliques américains, mais cela reste marginal. En revanche, de plus en plus d’Algériens ont compris que leur société ne serait jamais une société ouverte et plurielle si elle ne laissait pas place à d’autres confessions. Le chemin est encore long vers l’« humanité plurielle, non exclusive », que Pierre Claverie appelait de ses vœux dans un texte de janvier 1994, mais un certain droit de cité a été acquis, fragile, certes, qui peut vite être remis en cause, mais qui est là.


Des dizaines de livres ont aussi été publiés faisant connaître ces hommes et femmes qui ont suivi le Christ jusqu’au bout

Le mystère du Christ.
Surtout, l’impact du témoignage des martyrs de l’Église d’Algérie dans l’opinion mondiale est allé au-delà de ce que l’on pouvait imaginer : le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux (2010), a été vu par des millions de spectateurs et a reçu le César du meilleur film en 2011 ; la pièce de théâtre d’Adrien Candiard, Pierre et Mohamed, créée en 2011 au festival d’Avignon, a été représentée plus de mille fois devant des publics très divers, comprenant parfois des musulmans. Des dizaines de livres ont aussi été publiés, faisant connaître au monde le témoignage très discret de ces hommes et de ces femmes qui ont suivi le Christ jusqu’au bout.

Quelque chose a été semé dans le sang et les larmes, mais les fruits sont là : c’est cette fécondité de vies données par amour, que l’Église universelle veut reconnaître en déclarant bienheureux « Mgr Pierre Claverie et ses 18 compagnes et compagnons martyrs ». Il faut espérer que l’événement permettra, non pas de stigmatiser un peu plus les musulmans, mais, au contraire, de célébrer une générosité exemplaire et une amitié qui ouvre les cœurs et participe d’une manière mystérieuse à l’amour de Dieu pour tous les hommes. N’oublions pas que le concile Vatican II a clairement déclaré que l’Église du Christ va au-delà de ses limites visibles.

[1]                                Henri Teissier, Église en Islam, méditation sur l'existence chrétienne en Algérie, Centurion, Paris 1984, 211 p. ; Une Église pour un peuple musulman, Conférence au séminaire des Carmes, Paris, Pentecôte 2005, 9 p.
[2]                                Mesmar J’ha, « Lettres », Le Matin, 14 novembre 1994. Saïd Mekbel sera assassiné vingt jours plus tard, le 3 décembre 1994.
Compléments
Sources documentaires

3 propositions pour construire l'avenir

Les 3 propositions que le Frère Jean-Jacques Pérennès, op, a faites le samedi 17 mars 2018.

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